En pays de cocagne
C’est l’histoire d’un homme qui se fraie un chemin à coups de cuiller dans une montagne de bouillie, en surplomb d’une mer de lait. Une ventrée plus tard et quelques pas plus loin, il s’apprête à franchir un plessis de saucisses quand un cochon tout frais rôti vient à sa rencontre, la côte offerte, un couteau fiché en bandoulière dans la couenne. L’entame est déjà faite et le cochon insistant. Alors c’est par politesse qu’il le mange, comme l’oie bien grillée qui, après avoir déployé la nappe empesée des grands jours, vient se coucher à ses pieds dans un plat demi-creux en argent.
L’histoire ne dit pas s’il goûte aux galettes qui poussent en bord de route comme le chiendent, aux tuiles de tartes au flan et au miel du grand potdemieler au pied duquel sont allongés un clerc, un paysan et un soldat qu’il rejoint bientôt. Un bel œuf à la coque dodeline jusqu’à eux pour faire largesse de son petit corps mais il est trop tard, les quatre siestent là, bienheureux, étreints à chaque couture, fondus au sol, tout au régal de leur pesanteur. Car en pays de Cocagne plus on dort et plus on gagne.