Dans les derniers moments du jour, les dieux, très grands et las (très las) d’être loués, quittent leurs cabanons et leurs serviettes pour faire vaciller les cieux. Tous vont nager là où le soleil fond, dans cette eau légèrement plus chaude que l’air et qu’on ne sent pas sur la peau. Au spectacle de la mer rougeoyante, leurs cœurs se gonflent et, tendus comme des peaux de tambour, résonnent alors d’une musique plus claire, plus harmonieuse. Certains soulagent leur mal de dos en faisant la planche au milieu de petits bateaux carrossés de crème et de bleu vif, les yeux suspendus entre l’horizon et l’infini. Ils se lavent de leur sueur tandis que des dialogues courtois se nouent dans les courants. «Alors cette journée, qu’as-tu fait de beau ?», «que lisez-vous en ce moment ?», « bien, je crois, et toi ?». Et ces mots anodins sont comme des bonbons au miel dans leurs bouches divines.
Désireux d’être oubliés, ils songent à des jeux de cache-cache sans fin. Un nid à leur mesure, une retraite, un trou, un coin où se lover, le creux d’une flaque peut-être, le cou d’un chat. Tout est décidément imparfait mais tout est lumineux, de la côte qui s’offre au couchant jusqu’à la frange luisante de leurs cils. Ils envisagent de s’évanouir en banc de sardines argentées, simples reflets. Pourtant, puisqu’il le faut, la houle qui a bercé leur réunion les ramène à la plage où pour un instant, grains de sable dans le sable, ils ne répondent plus de rien.